L'effondrement, un documentaire sonore de Jenny Saastamoinen

L’effondrement, un documentaire sonore de Jenny Saastamoinen

Une histoire chorale de la difficulté maternelle racontée par des mères.

Des femmes reviennent du fond d’elles-mêmes, luttent pour réussir à se sentir mère. Elles disent dans un texte la déception, le vertige, les abîmes, la honte… Elles racontent comment masquer ce vide émotionnel à  l’entourage, comment cet enfant devient un persécuteur, comment arrivent les pensées folles et envahissantes. Et l’envie de mourir. Et aussi pourtant l’amour. Et la difficulté à trouver de l’aide, un accompagnement adapté. Les
incompréhensions. Et les injonctions…

À propos de L’effondrement par Jenny Saastamoinen

En 2017, j’ai adressé un appel à témoignages aux femmes qui éprouvent des difficultés à se sentir mère. La lettre démarrait par une citation de ma mère, enregistrée dans un précédent documentaire tourné avec elle en 2007 et qui porte son prénom, Odile ( 1er Prix Longueur d’ondes – Brest 2007 ) :

« J’ai mis très longtemps à me dire – je suis mère -, quand j’ai accouché. J’avais un bébé que j’aimais mais je n’arrivais pas à me dire – je suis sa mère -. Et je me demande si je me suis sentie mère un jour… »

Ainsi, je savais bien que devenir mère ne va pas de soi. À son époque, on n’en parlait pas. Et aujourd’hui ? Nombreuses sont celles qui perdent pied à la vue de leur enfant pourtant si désiré, celles qui souhaitent mourir d’avoir donné la vie. Elles luttent, tentent de tenir, de cacher ce qui semble  impardonnable et inavouable, même à elles-mêmes. Elles ont honte. Elles se taisent car en parler est trop difficile. Elles s’effondrent. Être soutenues, accompagnées est alors essentiel pour retrouver un équilibre. Parler, témoigner est un élément moteur dans le fait d’aller mieux.

Après cette longue traversée, les femmes ont besoin de partager ce qu’elles ont vécu. C’est ce que j’ai proposé à ces femmes.
J’avais envie de rencontrer ces femmes qui ont vécu cet effondrement. Elles avaient le désir de mettre des mots sur leur histoire. Elles m’ont répondu. Au final, dix mamans ont participé au projet.
Je les ai rencontrées une à une. J’ai d’abord recueilli leur témoignages à partir de  longues heures d’entretiens individuels. Je me suis rendue compte au fur et à mesure de nos échanges, qu’elles étaient très souvent persuadées être seules à ressentir cela. Or je voyais bien qu’il y avait du commun dans leurs histoires. Je décide alors de les faire se rencontrer et d’orienter mon projet radiophonique vers une histoire chorale, au sein
de laquelle leurs histoires singulières résonnent : l’histoire de celles qui reviennent du fond d’elles-mêmes, qui luttent pour réussir à se sentir mère. Une histoire de la difficulté maternelle.

(…) Toutes.
Ensemble.
Mères. Ou non. Mères. Toutes. Les. Mères. Toutes. Les. Femmes.
Les mêmes blessures. Les mêmes doutes. Les mêmes absences. Le même poids. La même tristesse. La même joie. La même honte. La culpabilité. Les espoirs. La colère. La haine. L’ambivalence. La renonciation. Le courage. La volonté. La perte. L’envie. Le désir. (…)*

À partir de la transcription de tous les entretiens, j’avais travaillé à réagencer leurs paroles jusqu’à aboutir à un texte qui me semblait mettre en lumière ce qu’était la difficulté maternelle, mêlant le caractère unique de chaque histoire et son aspect commun et partagé, sans changer aucun mot qu’elles avaient prononcés.
Dans L’effondrement, rien n’est inventé, tout vient de leur témoignages. Ce texte évoque la déception, le vertige, les abîmes, la honte… Il raconte comment masquer ce vide émotionnel à l’entourage, comment cet enfant devient un persécuteur, comment arrivent les pensées folles et envahissantes. Et l’envie de mourir. Et aussi pourtant l’amour. Et la difficulté à trouver de l’aide, un accompagnement adapté. Les incompréhensions. Et les injonctions…

Elles ne se connaissaient pas. Elles se sont rencontrées, elles ont fait connaissance. Ensemble, dans le
respect de l’histoire de chacune, elles ont parlé, se sont écoutées. Elles ont donné à entendre leurs propres mots, parfois ceux des autres, qu’elles ont lus, dans lesquels elles se sont retrouvées. Elles ont dit les résonances, ont perçu les échos dans leurs histoires. 

L’expérience a été riche, intense, très émouvante, belle avec plein de partage et de longues discussions. Dans L’effondrement, on perçoit un peu de cette expérience en train de se faire mais le choix de montage a été celui de mettre en avant le texte, cette parole commune qu’elles  souhaitaient adresser pour que plus jamais une femme ne soit seule face à cette difficulté.
L’expérience était difficile certes, mais elles avaient des choses à dire et je devais les accompagner à aller jusqu’au bout. L’important était pour moi qu’elles parviennent toutes à enregistrer ces mots. La difficulté de la proposition – celle de faire dire un texte à des personnes qui ne sont pas comédiennes, et qui plus est, un texte né de leur propre histoire -, rappelait leur difficulté initiale à dire l’inavouable.

Lors des séances d’enregistrement, outre la présence de Laure Carrier qui assurait la prise de son, celle de la comédienne Sarah Chaumette a été importante dans l’accompagnement à la mise en voix : il s’agissait pour chacune des femmes de se familiariser avec le micro, d’apprivoiser sa voix, de pratiquer cette parole, de dire ce texte avec moins d’affect, loin des larmes et du sensationnel, qui n’était pas ce que nous recherchions.
Elles ont réussi quelque chose de difficile en très peu de temps. Elles ont dépassé leurs émotions pour parvenir à nous adresser leurs témoignages et ainsi participer à lever un tabou.
La justesse, l’humilité, la simplicité, la profondeur avec laquelle chacune de ces mères nous livre son témoignage me touche. Et je crois que nombreuses sont les mères qui se retrouveront dans leurs paroles. C’est ce qui m’a permis de croire que je pouvais aussi inviter d’autres mamans à rejoindre l’expérience et à venir lire ce texte. Trois des mamans qui avaient témoigné au départ et dont les mots contribuaient au texte
final, n’ont pu être présentes pour différentes raisons à l’enregistrement final. Trois mamans qui ont également connu la difficulté maternelle se sont retrouvées dans leurs mots, ont rejoint le projet et ont prêté leurs voix. 

Il y a eu beaucoup d’émotions à traverser. A mes côtés, j’avais invité la psychologue Marine Crespin qui connaît la difficulté maternelle, intervient en unité mère-enfant en Nouvelle-Aquitaine et au Centre Papillon à Bordeaux, pour pallier au réveil d’émotions et aux débordements que cette expérience pouvait occasionner. Elle a permis à tout le groupe d’être disponible psychiquement pour permettre que le travail se fasse et aller
au bout de l’enregistrement.

Sa présence, comme celles des mamans qui ont rejoint le groupe pour prêter leur voix, me permet d’inscrire au sein même du processus, la suite du projet : sa médiation, sa diffusion, sa transmission en envisageant comme possible un dialogue avec les professionnels, ceux qui agissent auprès des parents ou dans le secteur de la petite-enfance qui pourront se servir de cette création comme support pour creuser la question ou faire advenir plus facilement cette parole chez celles qui n’osent pas dire leur difficulté.

(… )Le vois-tu ce fil fragile sur lequel nous marchons ?
C’est le fil ténu de nos histoires timides.
Crions. (…) *
* extraits du Poème des immortelles de Fabienne Lacoude, écrit à la suite de sa participation au projet.

 

Fiche technique


L’effondrement, un documentaire de Jenny Saastamoinen – 54 min 33
Avec les voix de : Stéphanie Després, Mathilde Fahrner, Fabienne Lacoude, Anne Mino
D’après leurs propres témoignages.
Ainsi que les voix de : Stéphanie Auneau, Hélène Geryon et Thaïs Millet,
D’après les témoignages d’ Ingrid, de Céline Cauquil et d’Émilie Vareilles.
Prises de sons en studio : Laure Carrier
Accompagnement à la mise en voix : Sarah Chaumette
Soutien psychologique apporté aux mamans du projet : Marine Crespin
Écoute et retours sur le montage : Myriam Ayçaguer
Aide à la transcription : Maartje Leenen
Entretiens, transcriptions, écriture, réalisation et montage : Jenny Saastamoinen
Mixage : Vincent Venet
Ce documentaire a reçu le soutien de L’œil lucide et de l’association Maman blues.
Il a bénéficié de la bourse Du côté des ondes Gulliver,
un appel à la création radiophonique soutenu par la RTBF, la SACD, la Scam, la promotion des
lettres de la fédération Wallonie Bruxelles, la SACD France et la Scam France.